et pourquoi pas demain

31.10.13

canada, de Richard Ford

"D'abord, je vais raconter le hold-up que nos parents ont commis. Ensuite les meurtres qui se sont produits plus tard. C'est le hold-up qui compte le plus, parce qu'il a eu pour effet d'infléchir le cours de nos vies à ma sœur et moi. Rien ne serait tout à fait compréhensible si je ne le racontais pas."




Ces premières lignes donnent une idée très précise et paradoxalement totalement fausse du dernier roman de Richard Ford. Très précise car dans une première partie, le narrateur, enseignant d'une soixantaine d'années, revient effectivement sur l'évènement qui a bouleversé sa vie et sur les semaines, les mois qui l'ont précédé. Totalement fausse car ces premières lignes laissent présager suspens, angoisse, action. Or il n'en est rien. Il n'est clairement pas dans les intentions de l'auteur de tenir son lecteur en haleine. Il signe un roman bien plus ambitieux, quasi-philosophique.
Bien sûr, l'intrigue progresse. La première partie est consacrée à la vie du héros/narrateur, Dell, 15 ans et de sa sœur jumelle, Berner, jusqu'au hold-up de leurs parents, des gens "normaux"de l'extérieur, mais singuliers comme nous le somme tous. Dans la seconde partie, alors que ses parents sont en prison et que sa sœur est partie, Dell est installé au Canada, dans une ville à l'abandon, fantomatique où il a été placé sous la protection du fascinant et inquiétant Arthur Remlinger. Enfin, la dernière partie, la plus brève, rejoint le présent du narrateur. Mais encore une fois, les faits et les évènements de la vie de Dell, ses rencontres ne sont pas développés et explicités pour eux-mêmes mais pour leurs conséquences sur la vie psychique du héros. Et ce qui semble intéresser l'auteur c'est la manière dont son héros les vit et les perçoit sur le moment puis sur leur ré-interprétation par le même personnage une cinquantaine d'années plus tard.
La lecture de Canada, n'est donc pas évidente et fluide. Mais la beauté et la pertinence de certains passages valent vraiment de faire un effort ("Je me demandais si j'étais en train de tricher avec elle d'une manière significative. Est-ce que je lui donnais à voir mon être authentique et sincère ? Ce que j'avais dit de ma vie, était-ce vrai? C'était tout ce qu'avais à lui offrir, et ça avait été toujours été mon souci - à cause de mon passé, du fait que j'étais professeur, toujours en représentation malgré tout. Rien n'est jamais clair car nous disposons tous d'un éventail de 'moi' parmi lesquels choisir"). Et puis, on se laisse emporter, au fil des pages, par une ambiance assez étrange liée aux lieux (Great Falls où se déroule la première partie, puis le village du Saskatchewan au Canada), au climat, à la dureté de la vie et à la solitude.
Un roman qui m'a été offert par mes parents.

Je vous conseille la lecture de la critique de Télérama, ICI.

Canada, de Richard Ford, Editions de l'Olivier, août 2013.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire