et pourquoi pas demain

3.10.13

Billie




C'est sûr la photo de couverture ne donne pas envie… J'ai cru à un livre pour enfants, puis à une blague. Ce n'est ni l'un ni l'autre, et surtout, ne pas se fier à ce petit âne qui court dans les prés, car Billie est un beau roman.
L'héroïne, Billie donc, a 15 ans. Elle vit à la campagne, sur un bout de terrain, avec un père et une belle-mère qui ne la voient même pas, sauf pour lui filer une trempe en passant. Billie vit dans une immense une misère sociale, culturelle et affective. Elle n'existe dans le regard de personne. Jusqu'au jour où sa prof de français lui demande de répéter une scène d' On ne badine pas avec l'amour, avec Franck, un garçon de sa classe. Ce garçon discret n'est pas franchement mieux loti que notre héroïne. Certes, il a un toit sur la tête et une grand-mère affectueuse chez qui il peut trouver refuge. Mais à la maison, il vit entre une mère dépressive abrutie de médicaments et un père totalement déséquilibré qui considère que son fils n'est jamais à la hauteur de ses espérances.
Comme dans la plupart des romans d'Anne Gavalda, des personnages cabossés vont être sauvés par une belle rencontre. Sauf qu'ici l'héroïne est encore plus cabossée que d'habitude… Elle vit dans le "quart monde", le vrai. Billie est la narratrice et sa voix exprime la colère lorsqu'elle parle du milieu dans lequel elle a grandi. L'auteur n'est pas démago pour un sou. Il n'y a pas de recherche d'excuse pour justifier l'indifférence de certains parents envers leurs enfants, l'absence d'amour, de tendresse, la brutalité. Anna Gavalda montre qu'échapper à la reproduction sociale est un exploit. La misère entraîne la misère… et comment s'en sortir quand on a grandit avec l'idée qu'on n'existait pas, qu'on ne valait rien?
L'auteure ancre son roman dans une réalité sociale pas édulcorée, loin de là. Mais, comme cela doit aussi arriver dans la vraie vie, pas très souvent certes, l'auteure sauve sa petite héroïne. Elle la dote d'un sacré tempérament, d'une vraie intelligence et elle place Franck sur sa route…   Franck qui a autant besoin d'elle qu'elle de lui. Ces deux-là vont se sauver la vie. Tout n'est pas rose, tout n'est pas simple. Franck n'a pas de baguette magique. Billie chute, se relève, rechute, renonce, espère à nouveau. Elle ne sera jamais guérie car on ne guérit pas d'une enfance comme la sienne, mais Billie bricole et invente des pansements bien efficaces.
C'est un très beau roman, dur et tendre, drôle et triste. Anna Gavalda invente une langue à son héroine, une langue malhabile, à la fois crue, imagée et poétique.Une langue qui exprime tour à tour la colère, le désespoir et l'espoir, la honte, l'amour, l'admiration, la souffrance.
Anna Gavalda donne vie à un beau brin de fille, une "princesse à l'enfance fracassée qui se fraye un chemin dans la vie avec un fusil de chasse dans une main et On ne badine pas avec l'amour dans l'autre".
Ne pas hésiter à l'offrir aux jeunes lecteurs/lectrices, à partir de 14 ans.

Billie, d'Anna Gavalda, Le Dilettante, octobre 2013, 

1 commentaire:

  1. C'est vrai que la couverture ne donne pas envie!!! Merci pour la critique, j'hésitais à l'acheter.

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