et pourquoi pas demain

22.9.13

Sombre sentier

"7 heures,métro Sentier
Dans le fond du café-tabac, en face de la station de métro, un groupe compact de Turcs, une quinzaine et cinq ou six Français. Tout le monde boit du café noir, les Français mangent des croissants. Sur une table, deux grosses piles de tracts, papier saumon, tapés machine, ronéotés de façon sommaire, recto en français, verso en turc."




Une auteur qui m'a été conseillée deux fois en peu de temps. Par Olivier R. (à qui je dois la découverte de Back Up) et Bertrand Puard, l'auteur des Effacés, intelligents thrillers pour ados.
J'ai été happée par ce bouquin. 
Le roman s'ouvre sur le meurtre d'une petite thaïlandaise de 12 ans, victime d'un réseau de prostitution et de drogue. Le corps a été retrouvé dans un atelier de confection du Sentier. Démarre alors une enquête dans ce milieu à part. On est embarqués dans des choses atroces qu'on préfèrerait ignorer. On suit l'enquête au jour le jour sur une période d'un peu plus d'un mois. L'auteur imprime un rythme qui rend la lecture haletante car le lecteur a le sentiment de suivre l'enquête quasi en temps réel. Au-delà, le roman ultra-réaliste évoque la corruption dans la police, les hommes de pouvoirs mouillés dans de bien moches affaires et protégés. Enfin ce roman est ancré dans une réalité historique et sociale passionnante et émouvante : la lutte des travailleurs clandestins du Sentier pour leur régularisation, en 1980.Un roman impressionnant par son écriture, sa construction, la maîtrise de sujets complexes qu'elle parvient à imbriquer sans perdre son lecteur.

Ses propos, découverts ICI,  sur son "blog plutôt officiel" vous donneront envie, j'espère, de lire ce roman :  
"Commencé en 1993, au passage à la cinquantaine, un peu « cette fois ci ou jamais ». Si j'avais une seule histoire à raconter, ce serait celle là : l'histoire de la lutte des travailleurs clandestins de la confection dans le Sentier, pour leur régularisation, en 1980, à laquelle j'ai participé comme syndicaliste. Seul le roman noir pouvait raconter le Sentier, ce quartier si vivant et contrasté, opaque, au cœur de Paris, au vu de tous, hors la loi, et puissamment autorégulé. Le Sentier fut plus qu'un cadre, il a fourni tous les personnages du roman, violents et chaleureux, pourris et attachants. Mise en place de la filière afghane de l'héroïne, extrême droite turque, prostitution, corruption se superposent au réseau des ateliers pour former la trame de l'histoire.
 Sombre Sentier, c'est aussi une histoire d'amour entre le commissaire Daquin et son indic. Et un roman optimiste, malgré tout : la lutte est victorieuse, dernier grand mouvement des années 70, au seuil des années 80, si profondément différentes."

Sombre Sentier, de Dominique Manotti, Seuil Policiers, 

{Prix Sang d'encre, Vienne 1995 et prix du festival de Saint Nazaire, 1996}

Dans la foulée, j'ai acheté et lu Bien connu des services de police, du même auteur. Toujours la même qualité d'écriture et ce même réalisme. Un livre plus engagé encore qui montre les dangers et les conséquences d'une politique démagogique sécuritaire basée sur le tout répressif. Un roman dont les héros sont deux jeunes recrues (un jeune homme et une jeune femme) de la BAC dont l'idéalisme et l'humanisme vont en prendre un sacré coup. Un roman passionnant et qui fait froid dans le dos.

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