Voici le carnet de voyage de l'Inde quasi terminé sur Et pourquoi pas ailleurs. Petite incursion par ici avant de retourner par là parler d'Hambourg, d'Anvers et des Pays-Bas… Envie de parler de littérature jeunesse pour commencer et ça tombe bien, ce sont les vacances scolaires.
Parmi les nombreux romans que j'ai lus ces derniers mois, j'ai adoré En grève, de Mathieu Pierloot. Son héros s'appelle Antoine, il a 16 ans et mène une vie tranquille de lycéen. Il est fou amoureux d'Anna depuis le CM1, a un meilleur copain Medhi, tombeur de filles hyper à l'aise. On est en 1996, en Belgique. Le gouvernement a décidé de supprimer 3000 postes d'enseignants et les lycéens se mettent en grève pour manifester leur désaccord. Ils débattent des heures au café du coin. Antoine, pas franchement politisé, suit le mouvement car il y voit l'occasion de se rapprocher d'Anna et de passer du temps avec ses potes. Et tout doucement, au fil des semaines, sa conscience politique s'éveille. L'auteur belge Mathieu Pierloot raconte sa propre histoire (en prenant quelques libertés avec sa réalité) et revient sur cette année charnière et décisive dans sa vie. Il en a gardé une sacrée rancune contre le syndicats qu'il égratigne bien dans son livre. C'est un roman sur l'éveil politique mais aussi, et déjà, sur la desillusion. J'ai été très touchée par ce livre, sans doute car il m'a renvoyée à mes joyeuses années lycées dans une ville de banlieue communiste, où les manifs, les grèves, les sit-in étaient presque notre quotidien. Et il résonne aussi très fort car j'ai un fils de presque 16 ans, très militant, et qui a passé un certain nombre d'heures de cours à manifester contre la loi travail. Il a d'ailleurs adoré le roman de Mathieu Pierloot et m'a dit n'avoir jamais lu un roman jeunesse qui parle si bien des ados et en les montrant tels qu'ils sont. Au-delà de la question politique, l'expression du sentiment amoureux m'a beaucoup émue. Il exprime avec beaucoup de justesse cette manière dont très souvent on aime quand on est adolescent : un amour absolu, passionné, sans distance. Il n'élude pas la sexualité et l'aborde avec naturel. Enfin, j'ai adoré le personnage de Medhi, le meilleur copain à l'humour décapant. Le tout porté par une écriture remarquable. Un roman juste, beau et fort et qui se lit avec beaucoup d'aisance, même pour des ados qui ne seraient pas de grands lecteurs.
Dans un genre tout autre, le roman d'anticipation, Elia ma penseuse d'âmes, de Marie Vareille jeune auteure française, m'a vraiment plu. L'héroïne, une adolescente, a un rôle assigné dans la société comme chaque individu : "passeuse d'âmes", elle est chargée de mettre fin aux jours des personnes jugées inutiles : malades, vieillards… Elle est censée ne pas ressentir d'émotions. Mais un jour, devant un jeune homme de son âge, un Nosoba (la catégorie des plus pauvres, relégués au fin fond du pays), qui lui demande de l'épargner, elle ressent de la pitié et lui laisse la vie sauve. Elle est recherchée par les autorités et fuit, jusqu'à la région des Nosoba. Elle retrouve le beau jeune homme qu'elle a sauvé et comprend comment fonctionne la société dans laquelle elle évolue. Un roman plein de finesse, d'intelligence, très bien écrit, avec une admirable héroïne féminine. Passionnant! Et la suite arrive dans quelques mois…!
Et lectures plus anciennes, dont je n'avais pas parlé, les romans de Marie Chartres sont sensationnels : Comme un feu furieux (2014) fait partie des plus beaux romans jeunesse que j'ai lus et son petit dernier, Les petits orages, est superbe aussi. Le premier nous emmène à Tiksi, au nord de la Sibérie et le deuxième dans le Dakota du Sud. Les deux ont en commun des héros ados cabossés par la vie mais sont plein d'optimisme. Marie Chartres écrit merveilleusement bien et ses romans me vont toujours droit au cœur.
En grève, de Mathieu Pierloot (L'école des Loisirs)
Songe à la douceur, de Clémentine Beauvaus (Sarbacane)
Elia, la passeuse d'âmes, de Marie Vareille (Pocket Jeunesse)
Comme un feu furieux et Les petits orages, de Marie Chartes (L'école des loisirs)
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